Les 10 points clefs pour écrire une bonne histoire

Dans nos ateliers et formation, c’est une question récurrente qui hante les auteurs : c’est quoi une bonne histoire ? Il y a de multiples façons de considérer la question. Chacun pourra y aller de sa définition.

Dans mes ateliers, je défends une vision universelle en six points (j’y reviendrai peut-être un jour sur ce blog) mais de manière plus « pratique » je pense qu’on peut isoler 10 points essentiels. Il y a certaines caractéristiques que l’on retrouve souvent dans les récits les plus captivants :

Des personnages intéressants

Des personnages bien développés, complexes et multidimensionnels sont souvent au cœur d’une bonne histoire. Ils ont bien sûr des motivations claires, des forces et des faiblesses. Ils sont accessibles, se révèlent et évoluent de manière significative tout au long de l’histoire. Cela sous-entend que l’auteur ne se limite pas à la surface des personnages, mais qu’il en comprend la psychologie. Le personnage EST le sujet de votre film. Dans une phrase, le sujet c’est souvent un pronom personnel : il, elle, nous, vous… Lorsqu’on vous demande « c’est quoi le sujet de ton film », la réponse doit être invariablement : quelqu’un. Et non « la guerre en Espagne » qui serait plutôt le contexte. Ou encore « La crise de la cinquantaine » qui serait plutôt le thème. Encore faut-il choisir le bon « sujet » c’est à dire le meilleur personnage pour conduire le récit et raconter l’histoire…

Un conflit intense et permanent

Une bonne histoire nécessite un conflit intéressant pour faire avancer l’intrigue. Ce conflit peut prendre de nombreuses formes : il peut être interne (au sein du personnage), relationnel (entre deux ou plusieurs personnages) ou externe (entre un personnage et le monde qui l’entoure). Toutes les histoires racontent la même chose : quelque chose arrive à quelqu’un et il est obligé d’agir.

A quelle tache conflictuelle récurrente votre héros est-il occupé principalement ? Est-ce le fait de devoir faire se manifester la vérité et donc d’enquêter ? Est-ce le fait de devoir s’échapper pour éviter la prison ou la mort ? Est-ce le fait de devoir séduire quelqu’un d’autre ? De sauver le monde en luttant contre un adversaire ? De devoir élever sa fille dans le dénuement le plus total avec les services sociaux sur le dos ? Bien que votre histoire puisse vous paraître complexe, il est souvent facile de la réduire à sa plus simple expression. Si vous y arrivez rapidement, bravo : vous tenez votre pitch. La limpidité de ce résumé vous permet de voir s’il y a au coeur du récit, un conflit fort, pérenne, captivant.

Des enjeux forts

Qu’est-ce que votre personnage a à perdre ou à gagner dans cette histoire ? C’est ça, l’enjeu du film.

Les enjeux sont à des degrés divers. Le héros peut dédier sa vie à une cause qui le dépasse comme arrêter un meurtrier en série parce qu’il est policier. Pour autant, il doit aussi y avoir un enjeu personnel. Il doit faire d’une cause générale une affaire personnelle afin de ne pas être tenté de laisser tomber son objectif quand les choses se compliquent. « Passez l’affaire à Berthier, moi je pars en vacances ! ». Non, forcément. Alors comment est-il personnellement impliqué dans cette quête ? C’est généralement là qu’il est attaqué. Sa propre vie ou celle de ses proches est menacée.

S’il n’y a pas d’enjeux objectivés pour le public, alors la tension du récit se relâche et le public risque de se moquer de l’issue de l’histoire.

Une structure efficace

Une bonne histoire a généralement une intrigue bien structurée, avec un début, un milieu et une fin clairs. Elle comprend une exposition (la présentation des personnages et du contexte), un conflit (la confrontation des personnages à un défi), un climax (le point culminant du récit) et une résolution (la conclusion du récit). Cela vous paraît-il trop simpliste ? Un début, un milieu, une fin, mais pas forcément dans cet ordre, c’est la réponse de Godard au formalisme qu’il n’a cessé de vouloir exploser.

Avant de vouloir créer un récit complexe, il faut d’abord en poser la logique et la chronologie la plus simple et limpide qui soit. Ensuite, oui, il est possible de déconstruire, au point parfois que le spectateur s’y perde (Cf. Inception, par exemple). Il existe des structures et des formes complexes, mais il est parfois difficile de les maîtriser quand on débute : poupées gigognes, récit à sketchs, récit par épisodes, déconstruction temporelle et logique, narrations fragmentées, spirale descendante, etc. Tout ceci est étroitement lié au point suivant.

Un récit sous tension

Pourquoi votre spectateur restera-t-il jusqu’au générique de fin ? Qu’est-ce qui le fait cheminer dans le récit ? Qu’est-ce qui le questionne ? Si vous avez une réponse à ces questions minute par minute, alors, oui, vous pouvez exploser toutes les règles de dramaturgie (même si vous y reviendrez d’une manière ou d’une autre bien souvent…)

Créer de la tension narrative, c’est permettre au spectateur de se poser des questions et de lui donner les réponses, mais plus tard. Mettre le récit sur tension, c’est donc savoir « intriguer ». Construire des intrigues, c’est entremêler les fils narratifs, dissimuler la vérité en ne cessant jamais d’induire de nouvelles questions dans la tête de votre spectateur.

Les histoires les plus mémorables ont souvent des rebondissements inattendus ou des moments surprenants qui gardent le public engagé et intéressé. Elles jouent avec tous les leviers qui permettent de déstabiliser le cerveau de votre spectateur et de le rendre actif en lui faisant se demander : que va-t-il se passer après ça ?

Des thèmes profonds

Les grandes histoires abordent souvent des thèmes universels et profonds qui résonnent avec les lecteurs ou le public. Cela peut être des thèmes généraux tels que l’amour, la mort, l’amitié, le sacrifice, la justice, le courage, etc.

Il faut souvent mixer plusieurs thèmes ou sous-thèmes afin d’être plus spécifique. Par exemple « L’amour interdit dans la société indienne » (Cf. Devdas). L’amour interdit qui conduit à la destruction physique du couple est l’un des thèmes centraux de nombreux films. Même derrière des thèmes d’actualité, il y a toujours des notions générales qui s’agitent sur le fond. Quel est l’angle sur le thème du scandale sanitaire du Mediator ? Le médecin, chevalier blanc, seul contre tout un système ? Celui des innocentes victimes de la cupidité des laboratoires ? La collusion entre le pouvoir politique et le monde de l’argent ? etc.

Enfin, les grandes histoires ont souvent une certaine signification ou un message qui dépasse le récit lui-même. Elles peuvent poser des questions importantes, défier les suppositions, ou inciter à la réflexion ou à l’action. On peut parler de « pervasivité » : l’histoire s’insinue dans notre vie quotidienne et peut changer son spectateur.

Un univers riche

Qu’elle soit située dans le monde réel ou dans un monde fantastique, une bonne histoire est souvent ancrée dans un univers riche et crédible, rendu vraisemblable aux yeux du spectateur. Cela comprend des détails sur l’environnement, la culture, la société, l’histoire, etc.

Créer l’arène du récit est plus simple quand il s’agit de la société actuelle : nous n’avons pas besoin du mode d’emploi, sauf à observer une micro-société avec ses propres lois. Quand il s’agit de mondes imaginaires, il y a tout à inventer et définir. Comme le dit James Cameron, il faut « essayer de rendre le tout homogène ».

Délocaliser l’action dans un milieu inconnu est un bon moyen pour aiguiser notre curiosité et pour nous montrer symboliquement en quoi la société que vous décrivez peut ressembler furieusement à la nôtre par certains aspects. Utopie, dystopie : en poussant le bouchon plus loin parfois jusqu’à l’absurde, on rend plus visibles les enjeux et les conflits, le message de l’histoire ou ce qu’on veut dénoncer.

Un style d’écriture engageant

Une bonne histoire est généralement racontée dans un style qui attire l’attention du lecteur ou du public. Cela peut impliquer un usage habile de la langue, un sens du rythme et du timing, une capacité à manier la tension narrative.

La littérature est une affaire de style, de « phrases d’auteur », de la capacité du romancier à faire appel à l’imaginaire du lecteur. L’audiovisuel, a contrario, impose la vision artistique du réalisateur qui devient un vrai spectacle auquel nous sommes conviés. La façon de conduire le récit et d’immerger le spectateur est déterminante.

La musicalité des dialogues, leur impact, leur efficacité ont aussi toute leur importance. Combien connaissez-vous de répliques cultes par coeur ? Michel Audiard, Nicolas Bedos ou Francis Veber ont un style, une marque de fabrique recherchée par les spectateurs.

Des émotions à foison

Sans émotion, pas d’art ! Les bonnes histoires font ressentir quelque chose au lecteur ou au spectateur. Elles peuvent faire rire, pleurer, frissonner, réfléchir, ou tout cela à la fois.

Nous achetons de l’émotion sur la foi d’une affiche, d’une bande-annonce. C’est même marqué sur le ticket de cinéma : comédie, thriller, policier… Nous savons par avance le registre des émotions que nous allons vivre et gare à la déception du spectateur. De la même façon qu’il monte dans le train fantôme ou dans les montagnes russes à la fête foraine : il en veut pour son argent.

Une résolution satisfaisante

Même si toutes les histoires ne se terminent pas bien, une bonne histoire offre généralement une résolution qui est satisfaisante et cohérente avec le reste de l’intrigue. Cela ne signifie pas nécessairement un « happy end », mais une conclusion qui donne un sentiment de clôture et de complétude.

Certaines zones d’ombres subalternes peuvent demeurer si cela ne nuit pas à la compréhension générale de l’histoire. On peut laisser dans le virtuel certaines explications si le spectateur est apte à les imaginer sans faire de contresens. Les questions trouvent réponses.

Parfois, un dernier rebond ou même un retournement complet (twist) vient rebattre les cartes du récit : nous avons peut-être été aveugles aux évidences, nous nous sommes mépris sur le sens à donner à toute l’histoire. L’auteur nous donne soudain une clef déterminante.

Ce sont là sans doute les fins les plus satisfaisantes et jouissives pour le spectateur. (Cf cette liste de films à twist)

 

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